Le vernis craque sous le harcèlement chez Sephora !

Il FLOTTE un parfum d’incompréhension au magasin Séphora des Champs-Élysées, le navire amiral de la marque (10 000 visiteurs par jour 1 150 salariés).

Le 25 septembre, une plainte a été déposée par le Syndicat commerce et services indépendant démocratique (SCID), minoritaire, qui assigne en justice la société appartenant à LVMH pour délit d’entrave et discrimination syndicale.

En cause : une enquête sur des faits de harcèlement sexuel et moral qui, malgré un droit d’alerte du SCID, a visiblement tardé à venir.

Au printemps 2020, lors du premier confinement, David (prénom modifié), un manageur en poste depuis six ans sur les Champs, est lourdement dragué par un collègue, également manageur, mais aussi secrétaire du comité social et économique et délégué CFTC de l’entreprise.

L’alerte fait pschitt David sait que le dragueur a l’oreille de la direction – il se rappelle son soutien, en 2015, au projet d’ouverture du magasin jusqu’à minuit.

Le vernis craque sous le harcèlement chez SephoraIl repousse poliment ses avances. Le collègue lui propose alors les faveurs de son épouse et l’inonde de photos évocatrices.

David refuse encore … et suggère de mettre l’épouse en relation avec d’autres hommes !
De retour à la boutique, il remarque que les proches du manageur CFTC sont devenus distants à son endroit. Il apprend qu’un jeune homme à temps partiel a reçu des photos pornos envoyées par le même manageur.

Inquiet, il se plaint à ses supérieurs. En vain. En mars 2021, le dragueur plie bagage. Une rupture conventionnelle « pour mettre en œuvre un projet personnel », argue la direction, interrogée par une déléguée SCID.

En février 2022, cette dernière déclenche un droit d’alerte afin que Séphora enquête sur le· harcèlement. Histoire de justifier son inertie, l’entreprise lui demande alors de fournir les noms des mis en cause et des victimes.

Ce que la syndicaliste refuse, par peur des représailles. En mars 2022, !’Inspection du travail rappelle Séphora à l’ordre : « L’employeur informé de faits supposés de harcèlement doit diligenter une enquête le plus rapidement possible afin de vérifier les allégations qui lui sont rapportées. »

Enquête maquillée

En juillet 2022, la CGT lance à son tour un droit d’alerte. Séphora s’engage à y regarder de plus près.

Le vernis craque sous le harcèlement chez SephoraA l’automne, ne constatant pas de changement, David décide d’informer directement Christopher de Lapuente, à l’époque pédégé de Séphora, et Antoine Arnault, alors directeur de l’image et de l’environnement du groupe LVMH.

Le fils du patron le renvoie vers le directeur éthique du groupe. Lequel est bientôt inondé de témoignages de harcèlement !

Des témoins récompensés pour leur courage …

  •  Le vernis craque sous le harcèlement chez SephoraLe 9 décembre, sous le prétexte d’une lettre – anonyme – envoyée par une cliente mécontente, David est licencié.
  • Une salariée avec dix-huit ans de boîte qui dénonçait les agissements du manageur CFTC depuis 2011 a été remerciée en mars 2022.
  • Une ex-responsable syndicale SCID avec dix-sept ans d’ancienneté, ayant porté la voix de ses camarades, a été mutée en Seine-et-Marne en novembre, en dépit d’un handicap.
  • Un autre, en poste depuis 2013 et syndiqué SCID, a été muté en Seine-Saint-Denis.
    C’est fou, le hasard …

Fin 2022, la direction a enfin ouvert une enquête, confiée au cabinet d’avocats Flichy Grangé. Le 10 octobre dernier, elle (la direction) a refusé de transmettre ses conclusions aux syndicats de Sephora.

Sont-elles si nauséabondes qu’elle hésite à mettre les salariés au parfum ?

Le vernis craque sous le harcèlement chez Sephora : Fanny Ruz-Guindos pour le Canard Enchaîné du 25 octobre 2023.