Les fourberies du grand débat

Depuis le début du mouvement des gilets jaunes, le gouvernement utilise toutes les vieilles ficelles pour écraser une révolte qu’il ne maîtrise pas, sans rien lâcher ou presque.

grand débat  Il y a la répression bien sûr. La méthode agressive. Le management de la start-up nation par la terreur. Car Macron veut diriger le pays comme une entreprise, comme on va le voir.

Les violences policières, les sévères sanctions judiciaires et même de franches attaques législatives contre nos libertés avec la dernière loi, dite anticasseurs.

Il y a aussi la bonne vieille manipulation médiatique qui salit et caricature : les gilets jaunes sont violents, les gilets jaunes sont beaufs, les gilets jaunes sont racistes, les gilets jaunes sont homophobes, les gilets jaunes sont antisémites…

A quand les gilets jaunes terroristes ? A quand une loi anti gilets jaunes ? Anti contestation ?

Les gilets jaunes, dont nous faisons partie depuis le début, sont à ce point rabaissés et avilis qu’un ancien ministre, académicien et philosophe de télévision, s’est permis de dire en substance « y’a qu’à leur tirer dessus ». Comme des animaux.

Et encore, d’aucuns seraient choqués qu’on appelle ainsi à tirer sur des animaux.

A-t-on entendu les élites, les bien-pensants s’indigner, s’horrifier unanimement devant de tels propos, pourtant monstrueux ?

Tout ça démontre à quel point ceux qui nous gouvgrand débaternent sont aussi incapables de se remettre en question qu’ils sont à court d’arguments sur le fond.

Technique utilisée par les DRH en entreprise, on s’indigne sur la forme pour soigneusement éviter d’aborder les vrais sujets.

Vous allez nous dire aaah mais non, le gouvernement a lancé une grande consultation du peuple, justement pour traiter le fond des problèmes soulevés par les gilets jaunes :

Le Grand Débat.

Dans sa grande bienveillance, Jupiter se serait abaissé à accepter de recueillir les doléances du petit peuple. Via internet et, pour les non modernes qui ne maîtrisent pas l’outil numérique, dans les Mairies.

Une grande consultation inédite qui, selon les mots mêmes de Macron, va apporter « une clarification de notre projet national et européen. »

Là déjà on comprend, et cela a d’ailleurs été dit clairement par des membres du gouvernement, que cette consultation du peuple ne modifiera en rien le programme, le projeeeet de Macron. On garde le cap.

C’est-à-dire, par exemple, qu’il n’est pas question de rétablir l’ISF. Mesure fiscale pourtant hautement symbolique. Ni, autre exemple, de toucher à la T.V.A., taxe la plus injuste car pareillement payée que vous soyez au RSA ou milliardaire.

Donc, on ne change rien. Mais on accepte d’écouter les gens parce qu’on est démocrates.grand débat

Et même, on leur demande de trouver des solutions pour enfin sortir de « la crise des gilets jaunes ».

Là encore, ça nous rappelle des techniques de DRH. Vous savez, quand vous allez le voir avec une personne en souffrance et que vous lui expliquez qu’il n’y a pas assez de personnel pour tout le boulot, que cela dégrade tout, la santé, les relations entre les salariés, les conditions de travail, l’hygiène, la sécurité… Et que le DRH vous regarde et vous répond : « j’entends ce que vous dites, alors qu’est-ce que vous proposez ? ».

C’est un peu comme quand vous êtes malade. Vous allez chez le médecin et vous déballez ce qui ne va pas. Si le médecin vous regarde et vous demande quel traitement vous voulez, y’a un problème non ?

On ne dit pas que nous sommes incapables de trouver des solutions, bien au contraire.

On dit qu’avant cela, il faut faire un diagnostic précis et exhaustif de la situation. D’autant que nous sommes actuellement dans un contexte tout à fait inédit. Ne serait-ce que par le dérèglement climatique qui menace toute l’humanité.

Mais un diagnostic précis et exhaustif de la situation, ce n’est pas du tout ce que cherche à faire le gouvernement. Lui ce qu’il veut, c’est écraser dans l’œuf toute rébellion contre son ordre établi et détruire méthodiquement tous nos acquis sociaux pour continuer de gaver les plus riches.

En résumé hein.

Donc, ce grand débat, cette grande fourberie, on l’aborde en sachant que ça ne changera rien. Enfin, ça ne changera rien pour nous. Parce que pour le gouvernement, ça va être très utile.

Déjà, ça permet à Macron et sa clique de passer en boucle sur les chaînes de télé, de radio. Une belle campagne pré élections européennes, aux frais de la princesse (en l’occurrence, c’est nous la princesse).

Ensuite, ça permet de faire passer des pilules qui seraient un peu dures à avaler si elles étaient présentées aux gens de façon brutale. Alors que si on vous les présente en vous disant que les gens ont été co décisionnaires (car incluses dans « Le Grand Débat »), tout de suite ça change tout.

Encore une technique largement utilisée en entreprise pour manipuler les salariés et les faire arriver là où on veut qu’ils arrivent. On appelle ça tables rondes ou commissions, c’est selon.


Pour s’en rendre compte, il suffit de regarder la forme utilisée pour ce grand débat.

Vous ne pouvez vous exprimer que de façon très cadrée. Quatre thèmes seulement, bien choisis et soigneusement présentés pour vous orienter dès le départ dans la bonne direction :

  • la fiscalité et les dépenses publiques (le mot dépenses n’est pas choisi par hasard),
  • l’organisation de l’État et des services publics (services publics qui sont, on le comprend très vite, des dépenses publiques),
  • la transition écologique (ça fait bien et, souvenez-vous, c’était un levier de dé décrédibilisation des gilets jaunes au début parce qu’ils osaient contester une taxe écolo),
  • la démocratie et la citoyenneté (très très vaste sujet, la citoyenneté étant pourtant réduite à l’immigration, la laïcité et les incivilités. Pour bien fracturer et diviser les gens).

Prenons juste la 1ère question du 1er thème :

Afin de réduire le déficit public de la France qui dépense plus qu’elle ne gagne, pensez-vous qu’il faut avant tout :

  1. 1. Réduire la dépense publique
  2. 2. Augmenter les impôts
  3. 3. Faire les deux en même temps
  4. 4. Je ne sais pas

Vous n’avez pas l’impression de vous faire manipuler là déjà ?

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La majorité des gilets jaunes demandent une répartition plus juste des impôts, un partage des richesses et des services publics renforcés. Et le gouvernement vous oriente tranquillement vers comment réduire le déficit public, donc les dépenses publiques, donc les services publics (c’est la question suivante).

Mais attention, vous pouvez choisir quel service public il faut réduire en priorité ! On est en démocratie oui ou merde ?

En résumé, ce qu’on en a compris nous, c’est que nous sommes des assistés en France, qu’il faut réduire les dépenses publiques, qu’il faut réformer les services publics (en gros que les agents arrêtent de se la couler douce, soient plus polyvalents et mobiles géographiquement), qu’il faut une contrepartie aux aides publiques (le fameux travail gratuit, ça vient), que l’immigration et les religions sont sources de problèmes (l’extrême droite pourra leur dire merci), que l’écologie c’est un coût et avant tout une question de comportement individuel, etc, etc.

On vous laisse lire sur https://granddebat.fr/ si vous en avez la patience.

On va encore nous dire que nous sommes partiaux, pas objectifs, voire complotistes. Le truc à la mode qui coupe court à tout débat.

On vous répond en l’occurrence, oui carrément. On est syndicalistes ET gilets jaunes, vous imaginez ? On est du côté des gens, pas de l’argent. Donc ce grand débat là, on est pas dupes et on n’est pas les seuls. Une fourberie et une manipulation de masse de plus. Qui, en plus, coûte un pognon de dingue aux contribuables. Une honte.

Ce que Macron et ses potes n’ont pas l’air de saisir, c’est que tout ça ne fonctionne plus.

Mais ils sont dangereux car ils sont prêts à utiliser les outils les plus répugnants pour garder le pouvoir. Ces irresponsables totalement aveuglés oublient l’Histoire. Et quand on oublie l’Histoire, elle risque de se répéter. C’est bien connu.

Ce mépris de classe doit cesser. Et en ce qui nous concerne, nous ne lâcherons rien. Ni dans les entreprises avec les salariés, ni dans la rue avec les gilets jaunes.

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