2 millions d’euros et 1 an de prison ferme requis contre Ikea.

Du 22 mars au 2 avril 2021 s’est enfin tenu le procès de l’affaire dite de « l’espionnage Ikea » au Tribunal correctionnel de Versailles.

Il y a 9 ans, en 2012, le Canard Enchaîné révélait que la grande marque suédoise Ikea espionnait et fichait des salariés, des clients et même de “simple promeneurs”.

Il était révélé qu’Ikea France avait conclu un accord fin 2003 avec la société Sûreté International pour “passer au peigne fin” les salariés suspects.

Cet accord stipulait qu’Ikea pourra obtenir des informations “sorties du plus grand fichier de police”, à savoir le Système de Traitement des Infractions Constatées (STIC), fichier de police du ministère de l’Intérieur qui regroupe les auteurs d’infractions constatés par les services de la police nationale.

L’accord entre Ikea et la société de sûreté portait le même nom : STIC.

Naturellement, le truc était payant. La société proposait l’accès à ce fichier pour un tarif de “80 euros par consultation”.

Les demandes d’Ikea pour avoir accès au fichier concernaient des salariés, mais aussi des clients avec lesquels Ikea étaient en litige commercial…

A l’époque, interrogé par l’Agence France presse, Ikea France avait répondu avec une langue de bois remarquable vouloir « faire toute la lumière sur les pratiques de flicage de son personnel et de clients évoquées mercredi par le Canard Enchaîné et entreprendre des vérifications ».

Le directeur de la communication outragé a même dit : « On désapprouve de façon claire et vigoureuse toutes ces pratiques illégales qui peuvent porter atteinte à des valeurs importantes comme le respect de la vie privée », sans pour autant reconnaître la véracité de ces pratiques.

Du côté du Ministère de l’Intérieur, un porte-parole avait déclaré solennellement « Il n’y a pas de faille de sécurité ». Et ajouté « qu’il existait déjà une traçabilité dans la consultation de ces différents fichiers (numéro matricule, code personnel attribué aux seuls fonctionnaires habilités) qui permet d’avoir une vision très claire de qui consulte quoi. »

Voilà voilà.

Comme tout le monde mentait là-dedans, il a fallu saisir la justice et ce sont des syndicalistes de la boîte qui ont porté plainte.

Il aura donc fallu attendre 9 ans pour que s’ouvre enfin le procès de cette affaire au Tribunal correctionnel de Versailles.

Une affaire peu glorieuse de fichage et de surveillance institutionnalisée de militants, de salariés et de clients, avec la complicité active de fonctionnaires de police couverts par une partie de leur hiérarchie.

De nombreux syndicats se sont portés partie civile dans cette affaire, dont nous, le SCID.

Nous étions présents lors des faits et nous avons nous-mêmes constaté, l’année dernière, qu’Ikea n’avait pas perdu ses mauvaises habitudes.

En mars 2020, on découvrait encore dans le Canard Enchaîné qu’un Ikea tenait à jour une liste des salariés « testés en CDD » et inscrits dans un dossier mis à disposition de tout l’encadrement magasin, avec pour chaque salarié des commentaires parfois désobligeants et déplacés. Voir notre communiqué de presse.

Devant le tribunal correctionnel, la procureure a déclaré : « L’enjeu de ce procès est celui de la protection de nos vies privées par rapport à une menace, celle de la surveillance de masse ».

Elle a demandé que la réponse pénale soit un « message fort » envoyé à « toutes les sociétés commerciales ».

Le parquet de Versailles a donc requis une peine « exemplaire » contre l’enseigne Ikea France : 2 millions d’euros et un an de prison ferme contre un de ses anciens PDG.

Le tribunal rendra sa décision le 15 juin 2021 à 10H. Nous y serons.

Le SCID : pour remettre l’humain au centre des décisions

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