La dictature interne de la CFDT : un excellent moyen de contrôle pour maîtriser toute contestation de la base.


Définition dictature : Concentration de tous les pouvoirs entre les mains d’un individu, d’une assemblée, d’un parti, d’une classe. Exemple : dictature militaire.

Organisation des syndicats : des salariés adhèrent à des syndicats correspondant à leurs champs professionnel et géographique. Ex : un salarié de chez Carrefour va adhérer à un syndicat du commerce, compétent dans son département, sa région…

Les syndicats choisissent de s’affilier ou non à une confédération (comme la CFDT), ce qui ne les privent pas de leur personnalité morale. Un syndicat a son propre patrimoine, ses propres statuts et élit librement ses dirigeants.


Le 16 janvier dernier, la CFDT de Laurent Berger a été condamnée par la cour d’appel de Paris pour avoir mis abusivement notre syndicat sous administration provisoire. C’est-à-dire sous tutelle.

Voir notre article.

La cour d’appel a écrit que « il ne ressort pas des statuts de la CFDT ni de son règlement intérieur dans sa version en vigueur à l’époque des faits que la Confédération avait le pouvoir de mettre un syndicat confédéré sous administration provisoire ou sous tutelle. »

Cette même phrase se retrouve mot pour mot dans un arrêt de la même cour d’appel de Paris du 28 janvier 2016 concernant un syndicat RATP qui avait aussi été mis abusivement sous tutelle.

Dans les deux cas, malgré les énormes préjudices subis par les syndicats et leurs dirigeants, la CFDT n’a été condamnée qu’à de petites sommes (10 000 euros de dommages et intérêts).

Et dans son arrêt, la cour d’appel laisse entendre que si la CFDT le prévoyait dans ses statuts, elle serait légitime à prendre le contrôle d’un syndicat.

La CFDT ne s’y est d’ailleurs pas trompée, puisqu’après notre affaire et celle du syndicat RATP, elle a modifié ses statuts, via son règlement intérieur. Elle a écrit 3 pages bien fournies pour s’auto-autoriser à mettre d’autres structures sous administration provisoire. C’est-à-dire sous tutelle.

Autrement dit, la confédération se donne tous pouvoirs pour prendre le contrôle d’un syndicat affilié, suspendre ses dirigeants élus par la base pendant une période pouvant aller jusqu’à deux ans !

Le tout en dehors de toute démocratie, puisqu’aucun congrès n’est organisé pendant la période de tutelle. A aucun moment, les sections, les adhérents ne peuvent s’exprimer.

La CFDT se croit donc tout permis juste parce que « c’est prévu dans ses statuts ». Et elle ne se gêne pas pour l’utiliser en mettant à tours de bras des syndicats sous tutelle. Ce qui les prive de leurs droits, de leur patrimoine, de leurs comptes bancaires, de leurs moyens d’actions… De tout en fait.

Cette mise sous tutelle interne, sans aucun contrôle extérieur indépendant, participe évidemment à tenir les syndicats en laisse. Donc à contenir toute contestation de la base.

Nous, on appelle ça de la dictature interne.

Prévue ou pas dans les statuts, une mise sous tutelle doit respecter des règles pour préserver les droits et les libertés de chacun. Qu’il s’agisse de personnes morales (comme un syndicat) ou de personnes physiques (comme les dirigeants élus).


Voir l’extrait de l’article 48 du règlement intérieur de la CFDT auquel tous les syndicats affiliés doivent soi-disant se conformer :

« La mise sous administration provisoire d’une organisation peut être décidée par le BN (Bureau National, dont Laurent Berger est le secrétaire), notamment dans les cas suivants:

  • Manquements graves aux statuts confédéraux (dont le préambule) et règlement intérieur, ainsi qu’aux chartes confédérales.
  • Refus d’exclure un adhérent qui manquerait gravement aux statuts confédéraux.
  • Toute action qui cause un préjudice moral et/ou matériel grave à la CFDT.
  • Retard ou absence de paiement / reversement des cotisations des adhérents pendant au moins 6 mois.
  • Dysfonctionnement persistant ou vacance des instances dirigeantes.
  • Non‐respect du champ territorial et/ou professionnel des organisations tel que décidé par la Confédération.
  • Non‐respect des règles financières en vigueur (dont certification et publication des comptes).

La durée de la mise sous administration provisoire est fixée par le Bureau national et pourra aller jusqu’à 12 mois. Le Bureau national pourra la proroger ou la renouveler une fois. En aucun cas elle ne pourra excéder 24 mois.

Durant la période de mise sous administration provisoire, un ou des administrateurs provisoires sont désignés sur proposition de la CCO par le Bureau national qui détermine l’étendue de leur mission. A cette occasion, les instances dirigeantes peuvent être suspendues temporairement.

Au terme de l’administration provisoire, un congrès sera organisé pour, notamment, mettre en place les nouvelles instances dirigeantes.

Aucune organisation, durant la période de mise sous administration provisoire, ne peut participer au vote, ni aux délibérations des instances auxquelles elle est rattachée.

Au terme de la période initiale de mise sous administration provisoire, un rapport est adressé au Bureau national pour qu’il décide soit de la fin de la procédure, soit la poursuite de l’administration provisoire si elle est possible.

En cas d’échec de l’administration provisoire, le Bureau national pourra se prononcer sur la radiation des structures affiliées en référence aux articles 8 du règlement intérieur et 9 des statuts. »


Cette nouvelle rédaction du règlement intérieur de la CFDT devrait faire bondir tous les syndicalistes ! Moralement et juridiquement.

Moralement : comment peut-on, quand on prétend être une organisation syndicale et qu’on prône le respect des droits et des libertés, prévoir dans son règlement de pouvoir prendre le contrôle d’un syndicat ou d’une autre structure, de s’en accaparer tous les biens et ce, pendant une période pouvant aller jusqu’à deux ans ? Le tout sans décision de justice ou consultation démocratique de la base.

Dictature.

Comment peut-on autoritairement destituer des dirigeants de syndicats, élus démocratiquement par leur base, sans – à minima – organiser un autre congrès pour en élire de nouveaux ?

Dictature.

Comment peut-on priver un syndicat entier, qui paie pourtant ses cotisations à la CFDT, de son droit de vote lors des congrès fédéraux ou confédéraux pendant une période pouvant aller jusqu’à deux ans ?

Dictature.

Juridiquement, nous pensons aussi que ces dispositions du règlement intérieur de la CFDT sont totalement abusives et ne respectent pas les droits et les libertés élémentaires de toute personne physique ou morale.

Nous ne pouvons malheureusement pas nous-mêmes les contester en justice puisque, n’étant plus affilié à la CFDT, nous n’avons plus d’intérêt à agir (condition requise pour saisir le tribunal).

Il faudrait qu’un syndicat affilié à la CFDT le fasse. Pas facile à trouver.

Et pourtant…

Les droits des personnes physiques ne sont pas respectés car des gens élus sont autoritairement suspendus et remplacés par la Confédération, sur décision d’elle-même.

Les droits des personnes morales sont également bafoués car un syndicat est une personne morale à part entière (comme une association, une société…) avec un patrimoine et des droits qui lui sont propres.

La mise sous administration provisoire d’un syndicat revient à mettre une autre personne morale sous tutelle, sans aucune décision de justice et donc, sans aucun contrôle extérieur et indépendant.

Or la mise sous tutelle est strictement encadrée par le code civil.

Dans tous les cas, elle ne peut être prononcée que par un juge qui en fixe la durée et les conditions. Et elle est soumise à des contrôles strictes et indépendants des parties. Comme un inventaire du patrimoine par exemple.

Rien de tout ça à la CFDT qui fait sa sauce en interne et s’accapare purement et simplement les biens des syndicats. Voir la lettre de Laurent Berger à notre banque.

Donc quand Laurent BERGER s’indigne et s’étrangle contre la soi-disant violence de l’intrusion de grévistes dans son sacro-saint siège, nous posons la question : qui est vraiment violent en fait ?

Quand Emmanuel Macron lui-même prend la défense de la CFDT en se fendant d’une déclaration solennelle : « Ces violences sont une honte pour notre démocratie », on comprend pourquoi… Il a besoin de la CFDT qui a un rôle de chien de garde pour le gouvernement. Il faut par tous moyens contrôler et diviser les luttes, contenir les contestations.

Ces prises de contrôle abusives de la centrale participent évidemment à maîtriser, étouffer tout débordement social. C’est donc un sujet important, d’autant que la CFDT n’est pas la seule à le faire…

Nous pensons que cette dictature interne de la CFDT doit cesser et nous lançons un appel aux syndicats affiliés pour se rebeller et attaquer les nouveaux statuts en justice. Car cela peut leur tomber dessus à tout moment…

Quand une confédération et un syndicat ne s’entendent plus, qu’il y a des manquements graves ou quoi que ce soit, ils ont la liberté de se séparer.

Mais rien ne justifie qu’une confédération prenne le contrôle total et autoritaire d’un syndicat, sans aucune décision de justice.

Donc, un secrétaire général – qui plus est de la 1ère organisation syndicale de France – qui est aussi prompt à condamner «toutes les formes d’abus de pouvoir» et d’«autoritarisme», devait commencer par cesser les violences dans sa propre organisation.

Voilà pourquoi nous demandons la démission de Laurent BERGER et la révision des statuts de la CFDT.

«Nul ne peut se faire justice à soi-même» est un principe élémentaire de droit que même la CFDT se doit de respecter.

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