Deuxième grand magasin parisien à entamer une négociation pour ouvrir le dimanche, les Galeries Lafayette Haussmann ne parviennent pas à convaincre les deux seuls syndicats susceptibles de signer.
L’ « offre de shopping » dominical dans le navire amiral des Galeries Lafayette, boulevard Hausmann à Paris, n’est pas prête de s’élargir au-delà des 12 dimanches du maire autorisés en 2016 par la loi Macron ! Malgré un échiquier syndical très défavorable, la direction a certes ouvert des négociations sur cet épineux sujet. Mais elle ne convainc toujours pas les deux seuls syndicats possiblement signataires, la CFE-CGC et la CFTC. Les positions restaient inchangées, de part et d’autre, jeudi 10 mars, au sortir de la troisième séance, la première à réellement entrer dans le vif du sujet.

« Pour l’instant, on ne peut pas parler de réelles négociations. La direction reste campée sur ses propositions et n’apporte aucune réponse à nos demandes de précisions. C’est mal parti », déplore Jacques Biancotto, président du Snec CFE-CGC. « Il n’y a eu aucune avancée. Nous tournons en rond et restons dans le plus grand flou. En l’état des propositions de la direction, nous ne serons pas signataires », renchérit Sarah Lavallée, déléguée CFTC.

Le Scid-CFDT au tribunal

À elles deux, les organisations représentent plus de 30% des salariés. Elles sont donc le point d’entrée pour permettre l’ouverture 52 dimanches par an du navire amiral des Galeries Lafayette. Car la loi Macron conditionne le travail dominical des commerces de plus de 11 salariés dans les zones de tourisme international (ZTI) à la signature préalable d’un accord fixant des contreparties avec des syndicats représentant au moins 30% des voix.

Certes, aux Galeries Lafayette Haussmann, les sections CGT, FO et CFDT (affiliée au Scid, syndicat commerce interdépartemental d’Ile-de-France) sont vent debout contre le travail dominical. Elles pourraient donc y faire barrage, en faisant valoir leur droit d’opposition. Sauf que cet équilibre syndical est susceptible de basculer….

C’est le pari que fait la direction, qui a saisi en février le tribunal d’instance et conteste la représentativité du Scid-CFDT. Mis par deux fois sous tutelle ces deux dernières années par les instances cédétistes (la Fédération des services puis la confédération), qui sont beaucoup plus souples sur le travail dominical, le Scid-CFDT a finalement décidé de se désaffilier en janvier dernier de la centrale de Belleville.

« En cas de désaffiliation après les élections, le syndicat, faute de résultats électoraux propres, n’est plus représentatif et ne peut plus prétendre user des prérogatives réservées aux seuls syndicats représentatifs », arguent les Galeries Lafayette Haussmann. Si le mandat du représentant Scid-CFDT était ainsi frappé de caducité, il ne pourrait plus y avoir de droit d’opposition majoritaire…

Une sacrée épine retirée du pied des Galeries Lafayette, qui bataillent depuis plus de dix ans. Mais il va falloir patienter. « Avec une audience prévue le 17 mars, le jugement ne sera pas connu avant le mois d’avril », précise Alexandre Torgomian, ex-secrétaire général du SCID-CFDT.

10 à 15% de créations d’emplois

De quoi expliquer que le DRH Frédéric Chemaly prenne son temps pour négocier et préciser ses intentions ? Les premières propositions mises sur la table ne séduisent pas, en tous cas, les organisations réformistes. Selon le projet consulté par Liaisons sociales magazine, le grand magasin s’engage à embaucher, dans le cadre d’une ouverture dominicale généralisée, « entre 10% et 15% de personnels supplémentaires (…) sous réserve du développement de l’activité économique sur la base des hypothèses présentées ».

« Lesquelles ? Nous aimerions bien connaître les hypothèses de chiffres d’affaires réalisables et le nombre exact d’embauches envisagé. Nous ne signerons pas de chèque en blanc », martèle Jacques Biancotto, (Snec CFE-CGC). Autre point d’achoppement : les nouvelles organisations. La direction propose de mettre en place des équipes dédiées de fin de semaine, embauchées spécifiquement, sur des contrats à temps partiels de 25 à 34 heures en quatre jours.

« Trop faibles compensations ».

Avant tout recrutement, la direction promet de proposer le travail dominical aux salariés à temps partiel volontaires. Mais de manière limitée : ils ne pourront travailler plus de sept dimanches par année civile « afin de préserver un juste équilibre entre travail et repos dominicaux ». Une disposition trop restrictive pour la CFTC.

Egalement pointées par le syndicat : les « trop faibles compensations » accordées. Les heures effectuées le dimanche seraient payées double. La même contrepartie serait proposée aux employés habituels de semaine avec, pour eux, un jour de repos compensateur mais uniquement pour les cinq premiers dimanches travaillés. « Quid des autres ? » interroge la CFTC. Quant aux frais de garde d’enfants de moins de 12 ans, le grand magasin propose de les financer par un ticket Cesu d’un montant forfaitaire de… 30 euros par foyer fiscal et par dimanche travaillé, dans la limite d’un plafond de 1000 euros par an.

Largement insuffisant pour la CFTC. « Les assistantes maternelles, elles, ne sont pas en zone touristique internationale ni obligées de travailler le dimanche ! Le coût horaire de leurs services, le dimanche, est très largement majoré », martèle Sarah Lavallée, déléguée CFTC qui réclame une prise en charge plus conséquente de ces frais. D’autant que les Galeries Lafayette escomptent 5% à 7% de chiffre d’affaires supplémentaire, soit plus de 100 millions d’euros par an, générés uniquement par les touristes étrangers.

Liaisons Sociales
par Anne Fairise 11/03/2016 Liaisons Sociales Magazine